2018 Affiche Festival dAzunLa 2ème édition du « Festi’Val d’Azun, de la Terre aux Etoiles », festival de vulgarisation scientifique sur les thèmes de l'environnement et des étoiles, s’est tenue du 20 au 22 août à la salle des fêtes de Gaillagos /Arcizans-Dessus (65). Cette année, le festival proposait aussi un aperçu des initiatives locales dans ces domaines, en l’occurrence l’agriculture durable. Le public était au rendez-vous puisqu’en moyenne, plus de 100 personnes ont assisté  à chacune des huit conférences, avec des échanges riches et animés.  

 

La 1ère journée a été consacrée à l’astronomie / astrophysique. Léa SALMON – LEGAGNEUR, chargée de mission sur la Réserve Internationale de Ciel Etoilé (RICE) par l’Association «Science en Bigorre» a montré que la pollution lumineuse continue de progresser rapidement. Or, elle perturbe la santé humaine et le développement de la faune et de la flore. L’éclairage public représente plus du tiers de la consommation d’électricité des collectivités territoriales, alors même que le parc est souvent constitué de lampadaires de technologie ancienne, à faible rendement et qui éclairent à la fois le sol et le ciel. Une RICE est un espace étendu, jouissant d’un ciel étoilé de qualité exceptionnelle et faisant l’objet d’une action de protection de la nuit à des fins scientifiques, éducatives et de préservation de la nature, en implantant des systèmes d’éclairage responsables. La RICE du Pic du Midi, labellisée en 2013, couvre les deux tiers sud des Hautes-Pyrénées. 165 des 247 communes concernées ont déjà commencé leur conversion à un éclairage responsable mais les particuliers qui contribuent également à la pollution lumineuse ont un rôle à jouer. 

Sébastien VAUCLAIR, gérant du bureau d’étude Dark Sky Lab, met au point des instruments de mesure de la noirceur du ciel, réalise des campagnes de mesures pour comprendre l’origine de la pollution lumineuse locale et développe un logiciel de prévision de la pollution lumineuse, validé sur ses propres mesures et sur les photos prises par les satellites d’observations. Il peut ainsi proposer aux collectivités territoriales des solutions optimisées pour limiter la pollution lumineuse tout en réduisant leurs dépenses énergétiques. La technologie LED de première génération réduit drastiquement la consommation d’électricité par rapport aux technologies conventionnelles, mais génère beaucoup de lumière bleue perturbant le sommeil. Il préconise donc, pour protéger notre santé et notre environnement, de s’équiper en LED de dernière génération limitant cette composante bleue. Leur coût est un peu plus élevé, mais la réduction de consommation reste encore très intéressante.

Sylvie VAUCLAIR, astrophysicienne de l'observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse et membre de l'Académie de l'Air et de l'Espace nous a enchanté et ébloui par des images de la terre, d'étoiles, de galaxies et de nuages de gaz interstellaires. Elle nous a également appris que les étoiles émettent des sons que l’on sait à présent extraire des signaux lumineux qu’elles émettent. En apportant des informations complémentaires, ces sons ont permis de mieux comprendre le fonctionnement interne des étoiles. Ils sont beaucoup trop graves pour être audibles mais en les transposant dans la plage de fréquence audible par l’oreille humaine, on peut alors entendre la «musique des étoiles». Elle nous a aussi montré combien notre terre est à la fois singulière, fragile et isolée, même s’il existe très probablement d’autres planètes offrant des conditions potentiellement favorables à la vie, mais pour longtemps encore inaccessibles. Elle nous a donc exhortés à tout faire pour préserver notre environnement.

La 2ème journée a été consacrée aux initiatives locales en agriculture durable. Le film de Jean PACHOLDER « Aiguilleurs de soi » a expliqué ce qui a poussé de jeunes actifs à se lancer dans des projets de vie plus conformes à leurs convictions profondes, en particulier le respect de l’environnement. Les protagonistes du film ont expliqué où ils en étaient après 4 ans d’activité. Jérémie KUSMINSKI et Yohan CAUBET ont mis en avant l’intérêt environnemental et économique du maraîchage en permaculture qui permet d’obtenir des produits bio et préserve la biodiversité. Pour Julien LATAPIE, le débardage bois par traction animale dégrade beaucoup moins la forêt que le débardage mécanisé. Il a désormais des contrats du Parc National pour produire du bois de chauffage dans des zones protégées et peu accessibles. Tous ont la ferme intention de continuer et disent qu’il y a de la place pour d’autres exploitants et qu’il faut travailler en réseau pour s’entraider et faire progresser les techniques.

Jean Marc COUTUREJUZON, agriculteur béarnais a présenté de façon très percutante la technique des semis directs sous couvert associant un couvert végétal permanent aux cultures cibles (céréales, maïs, soja). Elle n’est pas encore compatible du label bio mais offre de nombreux avantages. Elle réduit considérablement l’utilisation d’engrais, d’énergie (pas de labours et de désherbage mécanique car l’association couvert /semis limite la pousse des mauvaises herbes) et d’herbicide. Le recours aux insecticides et fongicides est quasiment supprimé. La biodiversité est restaurée et les sols préservés de l’érosion hydrique et éolienne grâce à l’action des vers de terre et au système racinaire du couvert végétal. Les rendements sont comparables à ceux de l’agriculture conventionnelle. Cette technique est donc complémentaire de l’agriculture bio qui nécessite un recours accru à la mécanisation pour désherber et ne préserve pas autant les sols. Actuellement, moins de 1% des surfaces sont cultivées en France selon cette technique, même si de plus en plus d’agriculteurs l’utilisent. Pour limiter toujours plus les intrans et tendre vers le label bio, ces agriculteurs s’organisent en réseau pour mutualiser les expériences.

Jean Marie LARZABAL, ingénieur agronome et maire d’Arcizans-Dessus a présenté le travail en cours depuis 2015 de restauration du pastoralisme dans le vallon d’Ahoumède au-dessus du lac d’Estaing et de construction d’un atelier de transformation du lait de brebis commun à 3 bergers d’estive. Ce travail s’appuie sur une analyse les phénomènes microbiologiques et zootechniques permettant de restaurer de façon totalement naturelle ces pâturages d’altitude, par l’association de différents animaux (en particulier des chevaux) qui éliminent progressivement la végétation installée après 10 ans d’abandon de l’estive.

Cette journée a permis de prendre la mesure de l’étendue du savoir-faire des intervenants locaux, savoir-faire pas toujours pris en compte au bon niveau dans les structures française très jacobines.

La troisième journée a été consacrée au changement climatique. Pour Hervé LE TREUT, climatologue, membre de l'Académie des Sciences et du GIEC, le changement climatique induit par l’activité humaine est à présent inévitable. L’évolution actuelle des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale fait que l’objectif de limiter le réchauffement à moins de 2°C ne sera probablement pas tenu. Il faut malgré tout faire tout ce qui est possible pour limiter nos émissions, car cela facilitera les adaptations nécessaires. Cela nécessite d’agir à toutes les échelles, du local à l’échelle planétaire. L’échelle régionale est probablement la plus adaptée car les territoires sont des espaces de réflexion sociale, de décision, de démonstration et d’anticipation du futur, à la fois proches des savoir-faire locaux et d’échelle déjà conséquente. Ils permettent une définition plus fine des zones vulnérables, des adaptations nécessaires aux changements locaux et des actions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le projet ACCLIMATERRA, comité scientifique régional d’aide à l’adaptation au changement climatique en Nouvelle Aquitaine, vise à donner aux politiques et aux citoyens une image du futur dans tous les domaines impactés par le changement en cours (agriculture, faune, flore, forêt, urbanisme, tourisme, santé, économie, ….). Il émet des préconisations aux politiques, en particulier sur le besoin de l’appropriation citoyenne pour entraîner l’adhésion des populations aux transformations nécessaires et favoriser la prise en compte des connaissances et du savoir-faire de terrain. ACCLIMATERRA organise une tournée en Nouvelle Aquitaine et sera à Pau le 28 Novembre. Tous les Bigourdans intéressés y sont invités pour rencontrer les scientifiques.

Francis GROUSSET, paléo-climatologue, a présenté l’histoire de la vigne et du vin, des origines à 2100. Sa pétillante présentation, en lien avec l’évolution des températures moyennes sur les 400000 dernières années, a été illustrée d’anecdotes historiques savoureuses. En 1709, en plein «petit âge glaciaire», le vin gèle et les marchands le débitent à la hache! Les régions viticoles sont toutes implantées dans des zones où la température moyenne est comprise entre 10 et 20°C. Avec les projections actuelles de températures en 2100, ces zones pourraient migrer de 1000 km vers les pôles. Le sud de l’Espagne cesserait de produire du vin mais la vigne serait présente dans toute l’Angleterre où la production de vin au 1er siècle lors de l’optimum climatique romain est attestée par les recherches archéologiques.

Les deux premières soirées se sont terminées, grâce au GERMEA et au ciel magnifique de la RICE, par des observations des planètes aux instruments, mais aussi des constellations à l'œil nu, avec les légendes du monde associées. Un apéritif de clôture a réuni les participants au son de ballades irlandaises.

Merci aux sponsors qui ont permis la tenue de cette deuxième édition (les communes de Gaillagos et d’Arcizans-Dessus, le CCPGV et le Parc National) et aux partenaires qui aident le festival à se dérouler dans une atmosphère conviviale : animation musicale, restauration sur place, marché de producteurs locaux et la librairie Le KAIRN d'Arras qui proposait au public une sélection de livres sur les thèmes abordés.